Thés et votre santé
L’art des thés de qualité
Qui ne connaît pas le thé, la boisson la plus bue au monde après l’eau ? Mais d’un autre côté, qui peut se targuer de vraiment connaître le thé, son histoire, sa philosophie, ses ustensiles, ses traditions, ses vertus, ses poètes et ses milliers de variétés (il existe par exemple davantage de crus en Chine que de vins dans le monde) ? Car avant d’être une boisson, le thé est une culture, dans les deux sens du terme !
La plupart des occidentaux consomment encore du thé noir indien (appelé « thé rouge » en Chine) en sachet. C’est pratique, rapide et les arômes naturels ou artificiels plus le rajout de sucre, de lait et/ou de citron masquent facilement un thé de piètre qualité. Depuis quelques années, on note toutefois un engouement pour les thés verts, réputés excellents pour la santé et très représentatifs de la mode asiatique. Surfant sur cette vague, de nombreuses enseignes se sont ouvertes, de nombreux parfums ont été crées, un marketing savant a été mis en place de manière à faire croire au consommateur qu’il dégustait bien plus que du thé: une culture, un bienfait, une philosophie, un bien-être !
Nous ne récusons ni les bienfaits du thé (mais alors de tous les thés, voir plus bas la partie le thé et la santé), ni le bien être qui y est naturellement associé mais il convient d’essayer de s’éloigner du folklore qui entoure trop souvent le produit pour en masquer la vraie qualité. Un bon thé n’est pas nécessairement un thé cher mais un thé qui est correctement préparé et qui est dégusté avec le bon état d’esprit.
Le coût du bon thé doit de toute façon être relativisé. D’abord vis à vis des thés en sachet vendus en grande surface. Lorsque l’on sait que la matière première est de la poussière de thé (c’est à dire des morceaux de feuilles de moins de 1mm) et que cette poussière est mélangée à d’autre poussière de thé par les industriels afin d’obtenir une infusion au goût constant, on se rend bien compte que le prix payé correspond davantage à l’emballage et au marketing qu’au thé lui même. D’ailleurs, est-ce encore bien du thé ?
Ensuite par rapport aux autres boissons. Prenons un thé rouge comme le Hong Mao Jian vendu CHF 9.80 les 50 grammes. Avec trois grammes (soit CHF0.58), il est possible d’infuser au moins 1.5 litres d’eau (3 infusions successives de 50cl). Le coût au litre est donc de 38 centimes de CHF ou 30 centimes d’euros! A comparer avec le prix des boissons gazeuses industrielle ou, comparaison plus flatteuse et plus juste, avec le vin! Le thé chinois est sans aucun doute la boisson qui bénéficie du meilleur rapport bien-être/qualité/prix au monde!
La classification des thés chinois
Tous les théiers du monde appartiennent à une unique espèce: le thea (camellia) sinensis de l’ordre des guttifères, de la famille des Ternstroemiacées. Ouf! Cette espèce comprend toutefois diverses variétés dont seulement deux sont utilisées pour la culture: les plants dits de Chine (qui furent volés par les anglais et introduits en Inde dans la région de Darjeeling) et les plants d’Assam, une espèce spécifique à la province d’Assam en Inde, découverte seulement au 19ème siècle. Nous nous intéresserons ici à la première catégorie.
La qualité d’un thé dépend évidemment de nombreux facteurs: l’âge du théier, le sol, l’altitude, le climat, les soins apportés, le mode de récolte, la date de la récolte… Un même thé variera donc d’année en année. Il donnera également diverses qualités de thés. Tout d’abord en fonction de la cueillette: celle ci va de la cueillette dite impériale (seul le bourgeons ou la toute première feuille et le bourgeon sont cueillis) à la cueillette grossière (les troisièmes, quatrièmes ou cinquièmes feuilles) voire la cueillette mécanique (généralement néfaste au thé), en passant par la cueillette fine (le bourgeon plus les deux premières feuilles).
Vient ensuite l’étape la plus déterminante pour la classification du thé: le traitement subi après la cueillette. En fonction de celui-ci, un même théier sera susceptible de donner les familles suivantes:
- Le thé blanc: rare, ce thé n’a subi aucune opération après la cueillette. Il est cueilli et séché tout de suite. C’est donc un thé non fermenté, très subtil, qui donnera une infusion de couleur cristalline. Il est réputé pour faire baisser la fièvre et diminuer le feu dû aux éruptions cutanées. C’est un thé très rafraîchissant, idéal pour les chauds mois d’été.
- Le thé jaune: rare également, il a subi une fermentation spécifique légère, à l’étouffée. Les feuilles et l’infusion sont de couleur jaune.
- Le thé vert: désormais très connu en occident, c’est le thé le plus bu en Asie, en Chine mais également au Japon, où il est considéré comme un produit frais, riche en vitamines C (mais où la technique de fabrication, beaucoup plus industrielle, diffère). Les meilleures cueillettes se font au printemps. En Chine, les feuilles sont ensuite séchées à sec puis portées à une température de 100°C pendant un court instant afin de détruire certains enzymes néfastes au goût et rendre impossible une fermentation ultérieure. Les feuilles sont ensuite refroidies et séchées. Comme il n’y a pas de classification rigoureuse, on peut les distinguer fonction de leur feuille: gunpowder (feuilles roulées en boules de 3mm), natural leaf (feuilles naturelles, entières) ou torsadé par exemple. Mais cette classification n’est pas satisfaisante car chaque jardin possède ses spécificités propres. Et il existe plusieurs centaines de thés verts! L’infusion est de couleur jaune ou verte, avec d’innombrables nuances.
- Le thé bleu-vert: Appelés wu long ou oolong (“dragon noir”) à Taiwan, ces thés sont parmi les plus recherchés chez les amateurs. Ce sont en effet les seuls, du fait de leur complexité, à exiger une préparation en gong fu cha (voir plus loin). Seule cette préparation permettra de faire ressortir le parfum et les goûts subtils de ces thés, et de constater leur évolution au fil des infusions. Leur nom vient de la couleur des feuilles, généralement entières. Ils sont semi-fermentés et la fermentation varie entre 12 et 65%. Il y a trois récoltes par année en Chine et jusqu’à sept à Taiwan. Il en existe plusieurs milliers de variétés!
- Le thé rouge: Appelé “thé noir” en occident en référence à la couleur de la feuille et “thé rouge” en Chine en référence à la couleur d’infusion, c’est un thé fermenté à 100% et, de fait, beaucoup travaillé. Ce type de thé est surtout consommé en Occident et la production chinoise essentiellement exportée. C’est dans cette catégorie que l’on retrouve le plus de thé de mauvaise qualité, du fait du procédé de fabrication industriel utilisé pour les sachets, la méthode Crushing-Tearing-Curling (CTC) c’est à dire Broyer-Déchirer-Rouler. Heureusement, c’est encore la méthode traditionnelle, respectueuse des thés, qui est utilisée pour les thés de qualité. Elle se déroule en six étapes: le flétrissage (faire perdre de l’eau aux feuilles pour pouvoir les rouler sans les briser), le roulage (briser les cellules des feuilles pour libérer les huiles essentielles), le criblage (trier les feuilles en fonction de leur taille), la fermentation, la dessication (pour stopper la fermentation) et le tamisage (pour trier à nouveau les feuilles et éliminer les déchets). Démarré avec cinq kilos de feuilles, il ne restera qu’un kilo de thé noir à la fin du processus. Il existe de nombreux grades pour ce thé, mais essentiellement pour la production indienne. La Chine ne produit dans cette catégorie que des thés à feuilles entières, sans précisions de grade. Une fois encore, c’est une question de jardins, de noms et d’experts! C’est le bouquet global qui sera apprécié ici, la rondeur en bouche.
- Le thé noir: C’est une spécificité chinoise. Il s’agit d’un thé post-fermenté: il a subi une fermentation étalée dans le temps. Le Pu Er est le plus représentatif de cette catégorie. Pour ce type de thé, on parle davantage d’impressions et de sensations que de goûts ou de parfums. En effet, ce thé est réputé posséder de nombreuses vertus, parmi lesquelles celui de brûler les graisses. Comme il s’agit d’un vieux thé, il est en général onéreux et victime de la contrefaçon: certains thés sont vieillis artificiellement en usine et vendus l’année de leur récolte comme de vieux thés! Acheteurs, attention!
- Le thé fumé: Longtemps, pour les occidentaux, ce thé a représenté le thé chinois par excellence. Erreur! Fabriqué par accident au 19ème siècle (le propriétaire d’une usine de thé réquisitionnée par l’armée tenta de stopper la fermentation de sa production en faisant brûler du bois de pin sous les feuilles), ce thé ne trouva preneur qu’auprès des occidentaux, qui devinrent de grands consommateurs de ce type de thé. Le thé fumé est donc le “thé des étrangers”. Le chinois de la République populaire de Chine boit quant à lui surtout du thé vert de piètre qualité, qu’il fait encore trop souvent macérer toute la journée dans un bocal en verre. Imbuvable! Eh oui, c’est injuste: les occidentaux ont en général accès à de bien meilleurs thés chinois que les chinois! Dans cette catégorie de thés, le lapsang souchong est le plus connu… mais sa qualité varie énormément.
- Le thé aux fleurs: Ce n’est pas une famille de thés proprement dite puisque tous les types de thés peuvent en théorie s’allier aux fleurs. Nous ne parlerons pas ici des mélanges faits par l’importateur avec des essences ou des huiles essentielles naturelles (comme pour la plupart des thés indiens) mais des mélanges faits par les producteurs avec des fleurs fraîchement cueillies. Traditionnellement en Chine, seules quelques fleurs sont utilisées: le jasmin, bien sûr, mais aussi le chrysanthème, le lotus, l’osmanthe ou encore la rose. Les fleurs sont rajoutées avant que le séchages des feuilles ne soit complet, lorsque le thé est encore chaud. C’est lors de cette phase que les feuilles s’imprègnent en effet le mieux des parfums environnants. Pour un thé rouge à la rose, il faudra par exemple 25kg de fleurs pour 100kg de feuilles de thé. On retirera ensuite les fleurs, à l’exception peut-être de quelques pétales pour la décoration. On l’aura bien compris: certains mélanges sont plus appropriés que d’autres et la qualité du thé reste primordiale. Il est par exemple navrant que la plupart des thés verts au jasmin servis dans les restaurants soient de piètre qualité et manquent cruellement de subtilité…
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